vendredi 20 juillet 2007

Rendre un personnage crédible

Rendre un personnage crédible ne s'avère pas si simple. Il ne s'agit pas uniquement de colorer les cheveux de Juliette en rose et d'enfiler un toxédo à Roméo pour rendre ce couple attachant. Original, peut-être, mais notre duo risque de passer pour une paire d'hurluberlus sans profondeur. Ainsi, pour donner un certain charisme à nos personnages, il faut savoir les enrober, leur mettre de la chair autour de l'os, quoi ;-)

À ce propos, j'ai découvert deux ouvrages qui, je crois, méritent le détour. Il s'agit de Conseils à un jeune romancier et Le Métier de romancier, de Marc Fisher. On y trouve de bons conseils (comme à la pharmacie du coin ;-). L'auteur aborde les différents aspects du roman, notamment le style, le plan, les qualités romanesques et le personnage. Selon Fisher, développer la psychologie du personnage avec ses défauts, ses qualités, ses faiblesses et ses conflits est la clé d'une histoire réussie. L'auteur donne plusieurs pistes à explorer à ce sujet.

À mon avis, un personnage attachant, auquel le lecteur peut facilement s'identifier, est aussi un gage de succès. Il doit revêtir un caractère distinctif, une personnalité bien à lui, de sorte que le lecteur puisse deviner qu'il a un vécu. Un passé tumultueux ou glorieux. Toutefois, il faut éviter de verser dans l'excès. La sobriété a toujours meilleur goût, à nous de cibler les points forts à ressortir.

Comment parvenir à créer un personnage crédible? Pour ma part, je fais des fiches de mes personnages sur lesquelles j'inscris les questions « Pourquoi? » et « Dans quel but? » Ceci me permet de saisir leurs actions passées et de comprendre leurs réactions futures. Si, par exemple, Roméo est mauvais, hargneux et rancunier, j'ai besoin de savoir ce qui l'a amené à devenir ainsi, pour le rendre le plus crédible possible. Je griffonne donc la question dans mon cahier de notes et je laisse aller le crayon. Je m'abandonne aux révélations. C'est comme si j'avais une conversation intime avec mon personnage... C'est une étape très prolifique. Que j'adore!

Ajoutez à cela, une bonne dose d'observation, une fine analyse, une compréhension hors de tout jugement du comportement humain et une capacité de se mettre dans la peau de l'autre. Mais surtout, surtout, aimons nos personnages. Qu'ils soient machiavéliques, idiots, surdoués, ou d'une candeur ingénue, aimons-les.

Car ce sont nos créations ;o) Des créations remplies de secrets...


6 commentaires:

Josée a dit…

Si l’auteur n’entre pas dans la peau d’un personnage, imagine le lecteur… Tu as tout à fait raison! Un personnage doit d’abord vivre dans notre tête avant de lui donner la vie… par écrit.
Continue d'écrire. Tes propos sont très intéressants à lire.

Anne Jutras a dit…

Merci pour ce mot d'encouragement Josée!

Revient me voir aussi souvent que tu en as envie!
Anne ;-)

Patrick Soucy a dit…

Merci d'avoir ajouté mon blog dans tes liens. Je vais poster une réponse ici dès mon retour de "vacances" lundi!

Félécitation pour ton blog, en passant!

Anne Jutras a dit…

Oh! merci beaucoup ^^

Moi aussi, c'est le retour à la dure réalité du travail, lundi matin!

Une chance qu'on a l'écriture pour s'évader ;-)

Patrick Soucy a dit…

Conseils à un jeune romancier et Le Métier de romancier, de Marc Fisher

Merci de citer ces ouvrages. Si ça se trouve, c'est dans un de ces deux livres que se cachent le texte des notes que j'avait prises il y a quelques années, sans indiqué la source... l'auteur donnait de bon conseils clés. Biensûr, il ne faut pas tout prendre, sinon en tombe dans le cliché, mais ce sont de bonnes pistes:

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Le héros

::: Le héros est amoureux :::

L'amour du héros doit être une sous-intrigue de l'histoire. On dois contrarier les amours du héros avec un obstacle. Le héros sacrifie son amour à une cause qui lui paraît plus élevée.

::: Le héros a subi une injustice :::

Il a été injustement trahi, accusé injustement, ridiculisé, violé, non reconnu à sa juste valeur, etc.

::: Le héros est endetté, fauché ou vient de perdre son emploi :::

Le héros éprouve des difficulté d'argent. Le héros à des dettes.

::: Le héros connais un changement défavorable de situation :::

Le héros vit une crise.

::: Le héros vit un événement heureux :::

Le héros vit un événement heureux ou de soulagement.

::: Le héros a un défaut physique ou moral :::

::: Le héros possède des qualités exceptionnelles :::

::: Le héros a peur :::

Le héros se sent menacé physiquement. Le héros a peur de mourir.

::: Le héros rencontre de l'opposition :::

Sa famille, ses amis s'opposent à sa vocation. Le héros à la vie difficile.

::: Le héros cherche un sens à sa vie :::

Le héros a perdu ses illusions, ses rêves et ressent un vide intérieur.

::: Le héros fait preuve de compassion :::

Le héros aime les animaux, les démunis, les êtres faibles, les malades, les vieillards, etc.

::: Le héros se sent coupable :::

Le héros à une faut à expier, éprouve un remords pour un geste malheureux qu'il a fait.

::: Le héros est catapulter dans un milieux nouveau :::

Le héros découvre un milieu nouveau, qu'il n'as jamais vu.

Le dialogue

::: Efforce-toi d'écrire des dialogues naturels :::

Évite les dialogues trop intellectuels, trop littéraires ou abstraits, qui ont l'air de véhiculer tes idées. Tes personnages ne sont pas des marionnettes savantes. Mais ne tombe pas non plus dans le travers contraire qui consiste à vouloir singer la vie.

Le dialogue romanesque restera toujours, d'une certaine manière, stylisé.

En effet, contrairement à ce qui se passe dans la réalité, il évite en général les redites, les hésitations constantes et aussi les imprécisions, les inélégances. Il est plus dramatique, il établit avec concision, avec émotion, une situation, un conflit : dans la vie, on bafouille un peu plus.

::: Écris des dialogues qui ont un but, un sens :::

Pas dans le sens de signification, mais dans celui de trajectoire. Lorsque tu commences ton dialogue, tu dois savoir (établis ça aussi dans ton plan) ce que tu veux démontrer avec ce dialogue, où tes personnages veulent en venir. Un dialogue doit être pensé comme une scène : avec un début, un milieu, une fin.

::: Mets beaucoup d'unités narratives dans tes dialogues :::

Ce qui est valable pour chacune de tes scènes, pour ton récit tout entier, l'est également pour tes dialogues.

::: Ne fais pas tout dire à tes personnages :::

Rien n'est plus ennuyeux. Pas nécessaire de "vider la question", comme on dit : garde-toi des munitions et cultive la concision, l'inachevé, ce qui laisse subsister le mystère et crée un déséquilibre dramatique.

::: Tes personnages ne sont pas toujours obligés de répondre :::

Ils ne sont pas obligés de répondre aux questions, ils ne sont pas devant un tribunal! Ils peuvent :

a) ne pas répondre,
b) répondre par une question,
c) répondre par un geste (ex. : briser un objet), un départ, une gifle, une insulte, une accusation ou un refus de discuter.

Cette "délinquance" de tes personnages rompt la monotonie du dialogue, lui imprime du mouvement, de la vie. Amuse-toi, au moment de la réécriture, à supprimer ici et là des répliques qui te paraissaient nécessaires au premier jet et relis le dialogue ainsi amputé : tu seras parfois charmé du résultat! Merveille de la liposuccion littéraire!

::: Tes personnages peuvent s'interrompre :::

Comme dans la vie. C'est impoli, mais ça fait plus authentique.

::: Ne fais pas tout s'arrêter lorsqu'ils parlent :::

Ils peuvent être interrompus par le téléphone, une visite intempestive, un accident, l'arrivée du garçon au restaurant, etc. Si tu respectes cette règle, on a plus l'impression que le dialogue se déroule dans un décor réel et non pas dans l'abstraction.

::: Fais agir tes personnages pendant qu'ils parlent :::

Ce n'est pas obligatoire (sauf au cinéma où les comédiens insistent toujours pour faire ce qu'ils appellent leur "routine"), mais c'est toujours plus intéressant de voir un personnage parler en accomplissant quelque action : sinon il a l'air d'un magnétophone ambulant et l'auteur paraît manquer d'imagination!

::: Coupe une longue réplique en plusieurs répliques plus courtes :::

En faisant intervenir l'interlocuteur. Cela donne du mouvement à ton dialogue et combat la monotonie.

::: Ne fais pas dire à tes personnages ce que le lecteur sait déjà :::

C'est un défaut courant - et d'un ennui! Lorsqu'un personnage doit expliquer à un autre ce que le lecteur sait déjà, "entre" plus tard dans la scène et, par un commentaire d'un personnage, fais comprendre au lecteur ce qui vient de se dire entre les deux personnages - qu'il sait déjà.

Contente-toi alors de montrer la réaction de l'interlocuteur, ou encore fais-lui demander des éclaircissements, si du moins tu crois qu'ils sont nécessaires à la compréhension de l'intrigue.

Mais ne tombe pas dans la redondance et surtout rappelle-toi : le lecteur est plus malin que tu ne crois!

::: Ne rends pas ton exposition trop évidente :::

Le dialogue est fort utile pour faire de l'exposition - rapidement et à peu de frais - mais il ne doit pas être trop évident que l'auteur s'en sert à cette fin. Tes personnages ne sont pas des marionnettes venues commodément faire à ta place l'exposition! Sois subtil. Et surtout rends ton exposition la plus dramatique possible.

::: Si un de tes personnages a de l'humour, qu'il en ait du début à fin :::

Si dans une scène tu mets un mot d'esprit, un mot d'auteur dans la bouche d'un personnage, et qu'il n'en refait jamais par la suite, tu dois le supprimer, aussi réussi soit-il, car c'est une tache. Ce mot d'ailleurs crée des attentes - forcément déçues - dans l'esprit du lecteur.

Il est vrai que, dans la vie, une personne ennuyeuse peut occasionnellement avoir un mot d'esprit (presque accidentel, ai-je envie de dire), mais un roman ou un film n'est pas la réalité, et le dialogue, je te le rappelle, doit être stylisé.

::: Ne laisse pas silencieux le troisième ou le quatrième personnage :::

Dans une scène à plus de deux personnages, ne laisse pas trop longtemps silencieux le troisième ou le quatrième personnage : ou alors dis pourquoi il se tait.

Ils ne doivent pas se gêner pour prendre la parole, quitte à interrompre les deux premiers personnages. Ce sont des scènes plus difficiles à écrire, où l'auteur débutant a souvent tendance à laisser en plan les personnages secondaires. Si un personnage ne dit rien et si ce qu'il apprend pendant cette scène ne le pousse pas à entreprendre une action qui fera avancer l'histoire, tu peux tout aussi bien le supprimer, à moins qu'il ne soit qu'un figurant comme le barman ou un client.

Également, fais parler chacun selon son point de vue et ce qu'il sait logiquement de l'histoire à ce moment du récit; il faut que chaque personnage dise des choses qui feront avancer le récit ou "illumineront" le personnage principal.

::: Si ton chapitre se termine par une réplique... :::

Assure-toi qu'elle donne envie au lecteur de lire le chapitre suivant.

Ce qui se produit presque irrésistiblement si cette ultime réplique est une menace, une promesse, une question ou une révélation inattendue, à laquelle le lecteur ne trouve une réponse ou une explication qu'au chapitre suivant.

::: Mets le maximum de conflits dans tes dialogues :::

C'est le dernier conseil que je te donnerai dans cette lettre. Il y en a d'autres, secondaires si on veut, ou plus évidents, comme ceux qui portent sur la vraisemblance (ne fais pas parler un médecin comme un poissonnier - surtout milanais!), mais tu les découvriras bien avec le temps et avec la pratique : je ne peux pas te mettre tout, tout cuit dans la bouche! Ton assiette est déjà bien assez pleine, non?

Si je mets ce conseil à la fin, ce n'est pas parce qu'il est moins important à mes yeux : bien au contraire. En fait, si tu ne devais te rappeler qu'un conseil au sujet des dialogues, c'est celui-là que j'aimerais que tu retiennes.

Car même si un dialogue est criblé de défauts, s'il expose un bon conflit, la scène en général fonctionne.

Et le lecteur tourne les pages.

Je me rends compte que je te parle de conflit depuis un certain temps et que je ne me suis jamais arrêté à t'en donner la définition. Comme je suis un peu essoufflé, je serai expéditif et simplifierai à l'excès : un conflit, c'est lorsque le personnage A veut une chose, et B une autre chose, souvent le contraire.

Tes conflits n'ont pas à être toujours grandioses pour être efficaces : un de tes personnages peut avoir envie tout simplement de revoir La Strada alors que son compagnon veut aller voir le dernier Woody Allen.

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Désolé de la longueur!

Anne Jutras a dit…

Merci pour cet échange fructueux! Je reconnais là, la marque d'un auteur généreux.

J'ai bien aimé les suggestions reliées aux dialogues, c'est un bon rappel. Rédiger des dialogues naturels n'est pas si simple, mais en y appliquant quelques trucs ci-haut mentionnés, on parviendra à bâtir de bonnes conversations.

Ne t'en fais pas pour la longueur, c'est ce blogue qui n'offre pas suffisamment d'espace;-)

Pour ce qui est des clichés, je suis entièrement d'accord avec toi, Patrick. D'ailleurs, je reviendrai là-dessus sur un autre billet.

La lecture est la nourriture de l'âme.

La lecture est la nourriture de l'âme.
Un bon livre, une brise fraîche, une histoire exaltante pour nous tenir compagnie, quoi de mieux pour s'évader.